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L'AGE ADULTE
7 novembre 2011

2. Bill Callahan

Ce sont les rues de Berlin, dans un bar dont les murs se lézardent. Le début fulgurant du printemps qui allège la tristesse, porte l'espoir comme on transporte un cadavre aux souvenirs encore chauds.

C'est dans un bar de Berlin, un jour d'averse que je découvre la voix de Bill Callahan. Il n'y a personne, la serveuse qui ne parle jamais, je lui demande qui c'est. Elle me sourit comme on sourit à un idiot qui le sera moins dans les secondes suivantes, comme on sourit quand on est heureux de rendre une autre personne moins bête. Elle ne parle pas. Elle écrit son nom sur un bout de papier. Mes yeux se fixent sur le néant qui m'habite depuis la naissance, Le voyage en avion. Les bonnes soeurs et les nurses avant d'avoir un frère et une soeur, une famille. Un trou noir rempli de lumière crue, dont il est difficile de nommer les couleurs. Le néant d'avant les rencontres de ma vie. Le néant constant, comme le brouillard en plaine. Cette chanson c'est comme être renversé par une ambulance ou parvenir à se shooter à l'homéopathie.

Elle me regarde, elle sourit. Mais ce n'est plus le même sourire que ses lèvres dessinent à présent. Non celui-ci, c'est la conivence, le partage de la douleur qui dissout dans le même alcool. Alors elle comprend qu'il faut qu'elle monte le son. Il n'y a qu'elle, il n'y a que moi. Et ces millions de fêlures derrière lesquelles se cache un rien. Un monde que l'humain ne réussit à nommer encore. Ces questions volatiles. Bill Callahan. Se procurer l'album. Faire danser les chansons avec mes pas à travers Berlin, cette ville d'emprunt. Pleurer sur sa voix, comme on s'écroule devant l'océan sur l'épaule de son père qui demandera "As-tu des factures à me transmettre ?", parce que c'est sa façon de dire qu'il tient à nous. Et puis oublier. L'été passe. L'automne bombe le torse, crâne, les amours amoureuses restent impossibles, les départs se précisent.

Mais dans deux jours, je vais au concert de Bill Callahan. Je vais au concert de Bill Callahan. Je vais au concert de Bill Callahan. Odile m'a invité. Et je n'en reviens toujours pas, que je vais me retrouver dans la même salle que lui, que nous serons dans la même salle que sa voix. Je n'ose y croire.

Je n'ose y croire.

C'est peut-être ça le défi de ma vie d'adulte. Oser y croire. Oser croire et au lieu de redouter ce que j'espère, s'en réjouir et y croire.

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