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L'AGE ADULTE
2 janvier 2012

8. L'asphalte

Je me ravise pour cette nuit et je fume dans l'escalier de secours de mes rêves. L'asphalte à mes chaussures colle, et ces routes qui ne me conduisent nulle part. Ma vie est une boite vide.

Mes après-midi sont joyeuses, mais ne valent rien. Je passe de table en table, et j'aime ça. De copains en copains, d'un langage à un autre. Des histoires et des voix dissembables. Elles passent, elles restent. On boit un café, une bière. On dîne devant un plat de pâtes, ou un croque monsieur sur une terrasse laborieusement réchaufféee. On rit, on s'amuse. Je vais de table en table, d'un café à un autre. Je marche dans une ville ; l'après-midi, la soirée passe, etc. N'importe laquelle. Peu importe laquelle.

Ces histoires, ces moments collent à mes vêtements.

Mais quand je ferme la porte derrière moi, la porte de mon appartement rangé, organisé, meublé, décoré, la vérité éclate, et chaque jour elle griffe un peu plus mes quatre murs : la solitude. Impossible de ne pas la sentir, la voir. Chaque jour, elle grandit. Elle est bien palpable.

Je passe de café en café, j'attends des bus, deux trois mots au téléphone, des amis, des visages plus ou moins connus. Des moments agréables, mais volatiles, puissants et fragiles à la fois. Si à travers ces fulgurences ma connaissance du monde s'enrichit, ils finissent toujours par venir buter contre le silence implacable, cette paix de merde qui est chez moi quand j'enlève mes chaussures je sais qu'il faudra réinventer, reconquérir le lieu, ma chambre, mon bureau, mon canapé, mes livres, mes plantes, ma cuisine, ma salle de bain. Ce lieu que j'ai bâti chaque jour, plus ou moins humblement. Par instant, je le hais.

Je voudrais le quitter, le laisser tomber comme une mauvaise bouteille de vin.

Plus d'une fois, je me suis surpris à l'imaginer dans ce décor et me demander si un jour, un jour… Ce jour viendra-t-il ?

Et ce jour-là, saurais-je l'apprécier ? Ou serais-je un de ceux qui diront : pars s'il te plait ?

Quand je rentre, que j'enlève mes chaussures, je remarque l'asphalte qui est restée collée aux semelles. Celle qui m'a ramené ici, en ce lieu si vide, mais qui m'a sans doute ramené un peu plus riche qu'avant… intérieurement.

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